vendredi 6 mai 2011

La confusion des sentiments


La confusion des sentiments de Stefan Zweig
(127 pages)
J’admire la grande sobriété de Zweig. Il se met tout entier au service de son récit. Et ce récit est avant tout celui de l’aventure intérieure d’un humain avec ses doutes et ses désirs. Zweig tisse sa trame sans lenteur ni empressement. La tension intérieure du personnage principal devient la nôtre. Et voilà qu’on n’arrive plus à lâcher ce livre. J’admire la richesse des métaphores que propose Zweig. Je suis subjuguée par sa capacité à nous faire suivre les fils qui nouent les sentiments intérieurs de cet être qu’il nous raconte. Un peu à la manière des Nœuds dénoués par Ronald D. Laing, mais avec infiniment plus de subtilité.

Extraits
«Était-ce vraiment là ma vie? Se développait-elle réellement en des spirales marquant une si heureuse progression depuis la première heure jusqu’à maintenant, ainsi que, documents imprimés à l’appui le biographe la dessinait? J’éprouvais exactement la même impression que lorsque pour la première fois j’avais entendu ma propre voix parler dans un gramophone : tout d’abord, je ne la reconnus pas du tout; sans doute était-ce bien ma voix, mais ce n’était que celle qu’entendent les autre et non pas celle que je perçois moi-même, comme à travers mon sang et dans l’habitacle intérieur de mon être.» (Page 6)
«(…) une morgue pour cadavres de l’esprit (…)» (Page 10)
«(…) l’injure que je tenais toute prête se coinçât dans mon gosier qui se serra (…)» (Page 15)
«(…) il y a certaines paroles qui ne sont d’une vérité profonde qu’une seule fois, prononcée entre quatre yeux, et quad elles jaillissent spontanément du tumulte inattendu des sentiments.» (Page 17)
«(…) le professeur était juché sur la table et là, dans cette position surélevée, les avait attirés à lui par sa parole comme avec un lasso pour les immobiliser.» (Page 21)
«Celui qui n’est pas passionné devient tout au plus un pédagogue; c’est toujours par l’intérieur qu’il faut aller aux choses, toujours en partant de la passion.» (Pages 30 et 40)
«(…) toutes les pensées qu’il portait en lui. Muettes, se précipitaient avec cette fougue que les cavaliers appellent si joliment chez les chevaux la ruée vers l’écurie (…)» (Page 51)
«Soudain, l’étude hors de sa présence accoutumée, était devenue pour moi vide et sans objet; je me consumais en hypothèses confuses non dépourvues de jalousie; et même un peu de haine et de colère surgit en moi à cause de sa dissimulation, qui me laissait comme un mendiant sous le froid glacial, en dehors de sa véritable vie, moi qui brûlais d’y participer.» (Page 59)
«(…) de ce tableau de la mer naissant, en un parallèle grandiose, une description du tragique comme étant la force élémentaire qui agite notre sang. » (Page 63)
«Et ensuite je m’en rendais compte : en relisant, je scandais et imitais son intonation avec tant de fidélité et tant de ressemblance qu’on eût dit que c’était lui qui parlait en moi, et non pas moi-même. (…) encore aujourd’hui, lorsque je suis emporté par l’élan de la parole, je sens soudain avec embarras que ce n’est pas moi qui parle mais quelqu’un d’autre, comme si quelqu’un d’autre s’exprimait par ma bouche. (…) je suis lui.» (Page 66)
«Ses lèvres où passaient d’ordinaire sans cesse d’imperceptibles ondes, étaient immobiles et molles comme un fruit pelé (…)» (Page 75)
«(…) cet homme que je révérais entre tous m’ouvrit son destin, comme on ouvre un dur coquillage (…)» (Page 115)
(3 mai 2011)




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